A Pierre !

Pierre a une trentaine d’année. Il est serviable et gentil avec tout le monde. Il ne demande qu’à bien faire. Son rire est sans fausseté, ses larmes et ses colères non plus. Il habite chez ses parents. Frères et sœurs ont plus ou moins quitté le nid, ou le quitteront bientôt. Pierre sait-il qu’il ne le pourra pas ? Qui sait, d’ailleurs, ce qu’il a dans la tête ? Pierre est trisomique. Et Pierre est lui-même. Alors, au cours de la fête qui réunissait les amis, lorsqu’une petite chorale s’est formée et que nous nous sommes mis à chanter, Pierre s’est transformé en chef d’orchestre : il ne mimait pas, il dirigeait. Avec un sérieux auquel ne manquait que l’habit noir et sévère du maître ! Pierre laissait éclater son sens du rythme, très sûr, sa joie sans fausseté, une gaîté absolument contagieuse. Un grand moment de bonheur a traversé les tablées chantantes. Lorsque, cérémonieusement, Pierre s’est incliné devant un public conquis, ce fut un triomphe. D’ailleurs, il le fut, porté en triomphe, sous les vivats. Et il ne l’avait pas volé ! Il ne bouda pas sa fierté, ne joua pas le faux modeste, les bras levés vers le ciel, il vivait l’instant avec enthousiasme. Pierre, l’un des nôtres. Trisomique, oui. Mais plus apte que beaucoup à vivre la vie comme elle vient, à en goûter les moments de grâce. Bravo, Pierre !
Marie-Christine Bernard
Octobre 2010