Que faut-il dire aux Hommes ?

https://youtu.be/BUfcHMvtkqQ

« Que faut-il dire aux Hommes ? »

© Emilia Stéfani-Law
 Didier Ruiz et la Compagnie des Hommes

Que faut-il dire aux hommes ? Un souffle de liberté au Théâtre de la Bastille

« Que faut-il dire aux hommes ? », la foi au scalpel de la parole au théâtre de la Bastille

Critique –  Journal La Croix

Sur la scène du théâtre de la Bastille, à Paris, le metteur en scène Didier Ruiz réunit sept personnes d’horizons et de cultures diverses. Leur point commun est invisible et pourtant bien présent dans leur vie : la foi.

  • Marie-Valentine Chaudon,
  • le 19/05/2021 à 16:51

« Je n’ai jamais douté de l’amour de Dieu pour moi », affirme Marie-Christine, le visage éclairé par un sourire communicatif. Pour Brice, dominicain, le chemin fut plus sinueux. « Pour moi, à 17 ans, ce fut la mort ou Dieu, raconte-t-il. J’ai décidé de chercher Dieu, c’est un pari qui me rend vivant. » De son propre aveu, la foi n’est pas quelque chose qu’il « possède ». « Je crois et je doute aussi », confie-t-il.

Brice a laissé son habit de moine en coulisses. C’est en chemise, sur les planches d’un théâtre qu’il ouvre son cœur. Brice n’est pas comédien. Marie-Christine, Adel, Jean-Pierre, Grace, Olivier et Eric, qui partagent le plateau avec lui, non plus.

Chacun déroule le fil de son histoire dans un ballet parfaitement orchestré par Didier Ruiz. Le metteur en scène creuse depuis des années la veine d’un théâtre documentaire, curieux de partager sur scène des fragments du réel au travers le destin de « vraies » personnes qui se dévoilent avec leurs propres mots.

Humour et émotion

Ces dernières années, Didier Ruiz a mis en scène la parole d’anciens détenus ayant purgé de longues peines et, avec TRANS (més enllà), des personnes transgenres. Que faut-il dire aux hommes ? conclut, dans un tout autre registre, ce triptyque dédié aux êtres au parcours singulier. Lui-même ne croyant pas en Dieu, il a voulu recueillir la parole de femmes et d’hommes de foi. Il n’apparaît ici que comme le maître d’œuvre de cette pérégrination sur les chemins intimes de la spiritualité et loin de toute doctrine, il parvient à faire émerger de la diversité des voix une densité commune et bouleversante.

Qu’ils soient catholique, musulman, juif, protestant, chaman ou bouddhiste, tous évoquent leur foi avec une belle humanité qui saura trouver un écho aux oreilles de chacun, croyants ou non. L’humour – celui de Grace, devenue pasteure alors qu’elle avait fui les prières de son enfance, ou d’Eric, bouddhiste, obligé d’épargner les moustiques qui l’empêchent de dormir – n’enlève rien à la profondeur du propos. Le récit de Jean-Pierre, lui, vibre d’émotions chatoyantes : les souvenirs tendres des Shabbats de son enfance, ses errements au tournant de sa vie et cette prière autour de la Torah partagée avec des femmes brahmanes, lors d’un voyage en Inde.

Cette parole nue s’épanouit sur un plateau presque vide, seulement transpercé par des lianes qui, tout au long de la pièce, montent sans interruption ni marche arrière vers un invisible ciel, dissimulé dans les cintres. Dans l’obscurité, au cours d’une séquence à la beauté saisissante, les témoins accomplissent ensemble dans une communion muette les gestes de leur pratique religieuse. À plusieurs reprises au cours du spectacle, ils se taisent, regard rivé vers le public qui se laisse alors gagner par leur tranquillité. Leur liberté.

Du 19 au 22 mai au théâtre de la Bastille à Paris. Rens.  : www.theatre-bastille.com. Le 11 juin au théâtre de Chevilly-Larue. Puis en tournée à partir d’octobre 2021.

PROGRAMMATION  

La saison 2024-2025 se met en place !  Encore un peu de patience…
Didier Ruiz, metteur en scène :

« Je me souviens de la religieuse qui m’a ouvert la porte du dispensaire de Mère Teresa à Calcutta, de son sourire et de sa poignée de main. Je me souviens d’un moine dans un temple au Cambodge qui me parlait d’une voix douce au son des clochettes. Il y a eu d’autres rencontres avec ces hommes et ces femmes « habités » d’une étrange manière. Pour quelqu’un qui ne croit pas comme moi, ces rencontres m’ont toujours accompagné. Et interrogé.

Qui sont ces hommes et ces femmes ? Que s’est-il passé pour qu’ils croient que leur liberté passe par cette voie ? Quel est leur quotidien, leurs doutes, leurs désirs ?

Le 8 juillet 2018, soir de la première de TRANS (més enllà) au Festival d’Avignon, je rencontre deux frères dominicains, Thierry et Charles, figures du festival. Je les retrouve quelques jours après à la sortie du spectacle. On échange, on se questionne sur le genre, ils sont eux-mêmes des hommes en robe, les choix, l’engagement, la liberté, le deuil d’un monde, d’un mode de vie. Je reste très marqué par cette rencontre. En septembre, je revois frère Thierry à Paris et lui parle de mes questionnements, de ma curiosité et de mon désir d’engager un travail de création avec des hommes et des femmes de foi. Il m’accueille avec enthousiasme, propose de me faire rencontrer les représentants des principales religions (catholiques, protestants, musulmans, juifs, orthodoxes, bouddhistes) avec qui il travaille depuis quelques jours, nouvellement nommé producteur de l’émission Le Jour du Seigneur sur France Télévision. Ce hasard est un signe… du ciel.

 

Dans une société en manque de spiritualité, où les religions sont synonymes de déchirements et de haine, il me semble que nous avons besoin de nous reconnaitre, de nous retrouver. Nous avons besoin de soleil. Oui, de soleil.

La religion ne m’intéresse pas en tant que telle. La spiritualité oui. Elle m’aide à conserver mon statut d’être humain, à vivre avec les autres. Et surtout elle m’aide à penser la mort.

Ils seront sept sur le plateau. Cinq hommes, deux femmes. Tant pis pour la parité. Je n’y suis pas arrivé. Trop difficile. Je n’imaginais pas combien ce serait compliqué, non pas de les rencontrer ni de les convaincre, mais qu’ils se rendent disponibles sur le temps de travail que je leur demandais.

Il y a Brice, frère et père dominicain qui vit dans un couvent parisien après avoir longtemps dirigé une galerie d’art contemporain sur les quais de la Seine, Marie-Christine, théologienne spécialisée en anthropologie, ancienne religieuse qui a quitté sa congrégation depuis une dizaine d’années, et Grace, pasteur protestante qui prêche à Paris. C’est l’équipe des chrétiens. Il y a ensuite Jean-Pierre, juif pratiquant du XIème arrondissement, avocat à la retraite, Eric le bouddhiste engagé auprès d’ONG dans des missions à l’étranger et Olivier le chamane qui est également clown, ce qui pour lui revient au même. Signe que la spiritualité mène à tout, permet tout et n’empêche pas grand-chose… Et il y a Adel, plasticien, qui porte un regard très personnel sur l’Islam d’aujourd’hui.

On est loin de l’image de l’ermite isolé dans la forêt.

Ils vivent dans le monde et le perçoivent avec leur regard orienté sans doute, mais jamais décalé de la réalité. Ils m’impressionnent par leur tranquillité, leur conviction. Aucun prosélytisme, aucune concurrence, ils me montrent leur engagement. C’est tellement intime, plus que jamais, je crois.

J’entends beaucoup de choses communes dans leur bouche, des certitudes mais aussi des doutes, l’écriture d’un chemin loin des dogmes officiels. Ils ne représentent en rien des courants officiels mais plutôt des manières différentes de vivre leur foi. Aujourd’hui et dans la joie.

C’est un sujet sensible me dit-on dans mon entourage. Parler de spiritualité au théâtre n’est pas chose courante. J’ai bien conscience que laisser apparaître sans affirmer, laisser la porte ouverte sans certitude, nourrir une réflexion sans avoir la main lourde est une position délicate et le fil est mince…

Je mesure que le fait de dire, ou pas, peut colorer dans un sens ou dans un autre, et mes angoisses sont bien au rendez-vous, mais je suis convaincu que c’est avec eux, avec leur capacité à s’émerveiller de l’autre que nous trouverons la voie juste. Ni pro ni anti. Donner à voir et à entendre des êtres différents qui nous semblent si proches malgré tout.

Après les ex-prisonniers d’Une longue peine, les personnes transgenres de TRANS (més enllà), ce troisième volet fermera un triptyque consacré aux invisibles, engagés dans des convictions pour atteindre la liberté. Comme pour les précédentes créations je travaillerai selon le procédé de la parole accompagnée qui m’est cher, faisant le choix de la partition orale et non d’un texte. »  Didier Ruiz, janvier 2020

 

 

Que faut-il dire aux Hommes ?

© Emilia Stéfani-Law

mise en scène

Didier Ruiz

collaboration artistique

Tomeo Vergés

dramaturgie

Olivia Burton

 assistanat à la mise en scène

Céline Hilbich

scénographie

Emmanuelle Debeusscher

 assistée de

Floriane Benetti

costumes

Solène Fourt

 Lumière

Maurice Fouilhé

musique

Adrien Cordier

 

avec

Adel Bentounsi

Marie-Christine Bernard

 Olivier Blond

Eric Foucart

Grace Gatibaru

Jean-Pierre Nakache

 Brice Olivier

 

Production La compagnie des Hommes Coproduction MC93 scène nationale de Bobigny, Le Channel scène nationale de Calais, Scène nationale de l’Essonne Agora – Desnos, Châteauvallon scène nationale, Mairies d’Arpajon, La Norville et Saint-Germain-lès-Arpajon, Théâtre de Chevilly-Larue, Fontenay-en-scènes / Fontenay-sous-Bois, Maison des métallos établissement culturel de la ville de Paris. Avec l’aide à la création de la Région Ile-deFrance, l’aide à la résidence de la Mairie de Paris et le soutien des fondations E.C.Art Pomaret et Un monde par tous sous l’égide de la Fondation de France, et de la SPEDIDAM. Avec l’accueil en résidence aux Bords de scènes, Grand-Orly Seine Bièvre. Avec la participation artistique du Jeune théâtre national et de l’ENSATT. La compagnie des Hommes est conventionnée par le Ministère de la Culture – Direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France et par la Région Ile-de-France au titre de la permanence artistique et culturelle. Elle est subventionnée par la DRAC Ile-de-France et le Département de l’Essonne pour sa résidence à Arpajon, La Norville et Saint-Germain-lès-Arpajon.

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