Crême de politesse
La dame, sans être d’un grand âge, fait néanmoins partie des seniors. Dans la boutique de téléphonie où je patiente, je la vois entrer doucement, tenir un instant la porte à la personne inconnue d’elle mais qui s’engouffre aussi dans le lieu. Puis elle se tient sur un pied, sur l’autre, sans savoir ce qu’il convient de faire : s’annoncer à l’un des multiples jeunes commerciaux qui s’activent dans tous les coins ; s’asseoir sur l’un des hauts tabourets encore libres quoique malcommodes ; stationner bravement dans une hypothétique file d’attente que rien ne signale… Elle semble pourtant bien dans sa peau, pas spécialement inhibée. Son regard s’étonne en silence de voir l’homme qui la suivait exposer sa demande à un vendeur lequel s’est empressé de s’en occuper, puis s’attarde sur les employés rivés à leurs ordinateurs. La dame hésite, s’enhardit enfin à en accrocher un, non sans, de sa douce voix, s’excuser de risquer peut-être de déranger, et pose une question pourtant fort à propos : elle souhaite acheter un nouveau téléphone mobile.
Mais elle a le temps dit-elle, il ne faudrait surtout pas qu’elle soit source de contrariété. Et ce disant, tout son corps exprime le fond d’une civilité que l’on croyait perdue : celle qui nous oblige de l’intérieur à intégrer les contraintes de l’autre, à lui donner la priorité jusqu’à un certain point de gêne pour soi-même, à s’effacer au moins en partie, au moins pour un temps, pour faciliter les liens, les adoucir, les fluidifier…
Infinie politesse qui ne peut jouer sa partition que si elle est partagée ! A défaut, elle fait courir au praticien isolé le risque de sabordage. Mais elle n’est pas naturelle : elle s’acquiert par la transmission. Et celle-ci peut résulter d’un effet contagieux.
Et j’ai aimé cela dans le comportement de cette dame : sa délicatesse semblait tellement couler de source, qu’elle donnait envie d’y puiser à son tour.
Mais elle a le temps dit-elle, il ne faudrait surtout pas qu’elle soit source de contrariété. Et ce disant, tout son corps exprime le fond d’une civilité que l’on croyait perdue : celle qui nous oblige de l’intérieur à intégrer les contraintes de l’autre, à lui donner la priorité jusqu’à un certain point de gêne pour soi-même, à s’effacer au moins en partie, au moins pour un temps, pour faciliter les liens, les adoucir, les fluidifier…
Infinie politesse qui ne peut jouer sa partition que si elle est partagée ! A défaut, elle fait courir au praticien isolé le risque de sabordage. Mais elle n’est pas naturelle : elle s’acquiert par la transmission. Et celle-ci peut résulter d’un effet contagieux.
Et j’ai aimé cela dans le comportement de cette dame : sa délicatesse semblait tellement couler de source, qu’elle donnait envie d’y puiser à son tour.
Septembre 2013 – Marie-Christine Bernard