« C’est des légumes du jardin ? » demande la fillette à son papa qui la sert en courgettes réchauffées au micro-onde. « Tous les légumes viennent forcément d’un jardin » répond-il, rassurant et surtout désireux que son enfant mange sans trop faire d’histoire. Du haut de ses 6 ans, elle reste cependant dubitative. Il faut dire qu’elle revient tout juste d’un séjour chez ses grands-parents. Comment s’y sont-ils pris ? Toujours est-il qu’à force de voir, de sentir, de toucher, de goûter  les merveilleux légumes cultivés par grand-père dans son potager et amoureusement apprêtés par grand-mère, le tout accompagné d’amour, d’attention, d’exemplarité, d’une certaine rigueur aussi, et de mots en vantant les vertus, voilà que la petite s’est mise à savourer les légumes « du jardin ». Or, ceux qu’on lui présente aujourd’hui n’ont pas le même aspect, ni le même goût. Il n’y a pas non plus cet air de fête qui accompagnait chaque plat, aussi simple soit-il, venu peut-être de la joie et de la disponibilité de ses grands-parents, si heureux de vivre quelques jours avec leur petite-fille et de partager avec elle le fruit de leur travail ordinaire. Et peut-être aussi a-t-elle, par l’expérience mise en mot, pris conscience pour la première fois de son sens du goût si négligé habituellement. Non, tous les légumes ne viennent pas « du jardin ». De ce jardin qu’elle a découvert chez ses grands-parents, plus vaste que le potager, plus savoureux encore que les mets mitonnés, ce jardin auquel nous aspirons tous : celui du don de soi et de l’accueil de l’autre à travers le partage d’un repas préparé pour rendre heureux.

Marie-Christine Bernard
Juillet 2012