Ambivalence

Une fois de plus, j’utilise internet pour alerter contre ses points aveugles. Un peu comme ceux qui utilisent le français pour défendre leur langue régionale. Il faut parfois en passer par ces apparentes contradictions pour se faire entendre.

Ainsi il est de bon ton, et pas seulement dans les médias qui s’en servent abondamment, de parler de l’internet en sens unique, en en vantant exclusivement les avantages. Et pourtant…
L’internet favorise les mobilisations pour les grandes causes ? Il mobilise avec la même efficacité les foules pour les causes toxiques.
Il aide les peuples qui veulent renverser leurs dictatures ? Mais il aide aussi les terroristes à poursuivre leurs projets néfastes.
Il permet d’acheter sans bouger de chez soi ? Mais il est en train de rayer du paysage magasins et boutiques en tout genre.
Il aide à répandre le savoir et la culture partout ? Mais il répand en même temps des erreurs en quantité, des approximations, des savoirs tronqués, des infos partiales, de multiples obscurantismes.
Il aide à créer et garder du lien ? Mais il isole les gens, physiquement, les démotivant de s’intéresser à leurs proches, de soigner les relations de voisinage, de cultiver le cadre de la vie quotidienne commune.
Il permet à tout le monde de s’exprimer ? Mais la plupart du temps de façon anonyme, ce qui laisse la porte ouverte à la lâcheté, la méchanceté, le mensonge, dont la toile charrie le fleuve ad nauseam.
Et puis…que dire de la fragilité technique de cet univers numérique qui s’apparente pourtant aujourd’hui à une véritable prothèse, un objet sans lequel beaucoup ne sauraient pas, ou plus, se comporter, mener leur vie, être heureux ?
Un peu comme si d’emblée, on formait les gens à marcher avec des béquilles. Humain augmenté ? Pas si sûr…

Marie-Christine Bernard
Février 2014