Avis de débordements prévisibles

Les tempêtes se succèdent et se ressemblent depuis plus de deux mois. Du moins dans l’ouest. Le vent est furieux et la pluie volontaire, quasi continuelle jusqu’aux averses de grésil qui fouettent les fenêtres à tout moment. Le sol gorgé d’eau suinte comme une éponge saturée. Nous, vulnérables, nous voici à la merci d’une météo de mauvaise humeur. Les nuages s’empilent et se poussent les uns les autres au-dessus de nos regards furtivement inquiets.

Mais pour de nombreux concitoyens du littoral atlantique c’est la désespérance devant leur maison dévastée, leurs meubles pourrissants, leur coin de jardin enfoui sous l’eau noirâtre avec tables, chaises, voiture et barbecue.
Et les questions qu’on refuse de se poser reviennent en boucle dans les têtes : les permis de construire sont-ils délivrés avec sagesse ? Les bureaux d’études chargés définir les zones constructibles sont-ils sérieux ? Sont-ils intègres ? A force de bétonner et de goudronner le pays à tout vat, où et comment l’eau qui tombe du ciel et déborde des rivières peut-elle s’écouler, s’infiltrer dans la terre, repartir vers l’océan ? Les décideurs qui buldozèrent tout azimut pensent-ils à cela ? Pensent-ils seulement ?
En attendant, les gens que l’on voit sur nos écrans à bout de fatigue à force d’éponger, de lutter contre l’eau et la boue qui s’imposent irrémédiablement, ne sont pas parmi les plus riches du pays. Ils sont de ces classes moyennes dont la maison durement acquise est la principale richesse, la seule peut-être. Sans parler de l’outil de travail qu’est pour certains la boutique, l’entrepôt, le garage que l’on reconnaît, mais un peu tard, se trouver en effet en zone inondable bien que ladite zone n’ait pas été répertoriée officiellement comme telle.
On se sent bien impuissant. Reste la solidarité entre nous, celle des seaux, des balais et du café chaud. La rage aussi qu’il faudra apprendre à recycler en engagement civique.

Marie-Christine Bernard
Mars 2014