Décibels

En marchant dans la ville, il arrive que je sois tirée de ma rêverie par une tonitruante musique déversée d’une voiture, parfois vitres fermées ! Enfin, quand je dis musique, je devrais préciser qu’on reçoit plutôt en sonores coups de poings, un rythme de percussion en général sur deux temps, la finesse n’étant de toute façon pas au rendez-vous. Les passants lèvent le nez, cherchent l’envahisseur décibelisé, et tirent plutôt la tronche. Même par grand soleil, je n’en ai jamais vu qui se mettaient à battre des mains, ni à danser. Le conducteur reste bien droit dans son siège, fait mine de ne pas s’apercevoir que tous le regardent et que personne n’approuve. Il nous resterait donc un peu de Kant dans les veines, sans qu’on s’en souvienne ? Oui, le philosophe ! Ne parlait-il pas de cette règle morale qui nous enjoint d’agir dans le sens de ce qui pourrait valoir universellement ? Imagine-t-on tous les conducteurs se conduire de la sorte ? Ce serait infernal, on ne s’entendrait plus du tout, ni en soi ni entre soi. Et puis on y a ajouté un peu d’hygiénisme : n’est-ce pas là une pratique propre à bousiller les tympans de celui qui s’y adonne ? Et les neurones ? Comment peuvent-ils suivre normalement leurs cours dans ce vacarme insensé ? Ah ! C’est que ce monsieur (car c’est presque toujours un mec) aurait besoin de s’affirmer ! De ce faire remarquer ! De montrer qu’il existe ! Franchement, n’y aurait-il pas une autre voie ? La voix humaine par exemple…celle qui oblige à tendre l’oreille. Ce qui se passe alors, ça s’appelle la relation humaine, tout bêtement.

Marie-Christine Bernard
avril 2012