Ces jeux qui n’en sont plus
Quand l’enfant a surgi devant moi, j’ai laissé échapper un cri de surprise. Une cagoule sur la tête ne laissait voir que deux yeux surexcités qui accompagnaient des onomatopées en rafale chargées de traduire le geste, celui de tirer avec une mitraillette (en plastique mais très réaliste), l’enfant m’avait prise pour cible, fictive certes, mais cible quand même.
A peine ai-je eu le temps de lui dire que son jeu n’était pas drôle du tout et qu’il n’avait pas le droit de cacher son visage, qu’il avait déjà disparu dans une autre allée du magasin, mettant en joue d’autres cibles. A quelques pas, sa mère dont la tenue indiquait qu’elle était musulmane, le regardait dans un sourire de fierté attendrie.
C’était début novembre.
Je m’étais retenue d’aller discuter un brin avec la dame, histoire de parler éducation, psychologie de l’enfant, impact de certains jeux dans sa représentation du monde….
Et je m’étais abstenue, craignant, je l’avoue, de me faire méchamment rembarrer, de déclencher un esclandre, de me retrouver instrumentalisée par quelque témoin qui en aurait profité pour décocher du propos raciste dont je tiens à me tenir éloignée.
N’empêche, aujourd’hui, j’oserais, et, tout en mouchant les racistes, sur le thème de l’éducation, je serais sans doute plus sévère que je ne l’aurais été il y a un mois.
Marie-Christine Bernard
décembre 2015