Mendiants

Ils avaient disparu pendant les grandes glorieuses : au début des années 80, il ne restait alors que les clochards, j’allais dire « habituels » hélas, désocialisés pour des raisons qui ne tenaient pas au contexte économique. Mais quand les effets du premier choc pétrolier avaient atteint les couches les plus fragiles, nous avions vu réapparaître des hommes et des femmes rattrapés par un chômage durable, des fins de droits, des expulsions… Le RMI a permis d’éviter le pire, mais la fragilité a recréé la mendicité. Et aujourd’hui, dans les transports en commun des grandes villes, les mendiants sont nombreux qui se succèdent en pleurant quelques pièces. Trop nombreux. Mots agressifs ou lamentations interminables, accents divers, histoires invraisemblables trop bien tournées pour être honnêtes, ou balbutiements malheureux …Le cocktail est explosif à certaines heures. Aux heures de pointe, par exemple. Ainsi, il arrive que les voyageurs fatigués entassés dans des voitures bondées, obligés de se battre à longueur de journées, de semaines, de mois, pour garder leur job, assurer la vie domestique, éduquer les enfants, et qui, on le sait par de très sérieuses études, se montrent généreux envers les associations caritatives, ils arrivent donc qu’ils se fassent insulter le temps de leur déplacement, traités d’égoïstes, d’indifférents, de sans-cœur… Et si personne ne moufte, c’est juste par pitié envers ces miséreux dont on ne voudrait pas alourdir encore la charge. Mais on voit bien qu’ils n’en peuvent plus…eux non plus.
Marie-Christine Bernard
Octobre 2012