Où sont les sources ?

Aujourd’hui, j’interviens dans le Val d’Oise. Ce département est associé à la vaste Région Parisienne : c’est le « neuf cinq ». Un chef d’entreprise m’a dit récemment à quel point cette habitude de désigner ainsi ces départements l’exaspérait. Il m’a mis la puce à l’oreille, et je crois que je partage son agacement. Je prends conscience que le « Val d’Oise » renvoie à tout un monde : on imagine une rivière, bien sûr, et ses ruisseaux, donc la pêche, la baignade, les barques et les guinguettes ; et puis de la verdure « où chantent les oiseaux » ; et pourquoi pas un ou deux châteaux, et des bois, et…. Voilà Eaubonne, Enghien-les-Bains. Les sources bien sûr ! Des sources d’eau sulfurée aux vertus bénéfiques, d’où les établissements thermaux et…le casino. Je n’aurai pas le loisir de sortir des alignements de maisons de banlieue, de barres d’immeuble et de zones urbaines, qui bordent la ligne de RER : je considère donc que je ne connais qu’une partie du Val d’ Oise. Mais cette idée de source bienfaisante m’intrigue. Après renseignement, c’est la douche, certes, mais froide. J’apprends que l’urbanisation a tellement bouleversé le terrain, qu’au fil des constructions, la ou les sources, ont été perdues. « L’eau s’écoule probablement ailleurs, en sous-sol, mais où, on ne sait plus » me dit cette personne d’un certain âge, native du Val d’Oise. Elle accompagne son propos d’un geste désabusé, partagée entre le regret résigné, et le sentiment qu’il y a des choses plus graves. Je regarde défiler les façades des immeubles, les panneaux publicitaire grand format, les commerces, les rues, routes et ronds-points et auto-ponts. Je prends acte que, si cette perte-là est vraie, ça me fait de la peine. Cette info se glisse au fond du cœur, vient en rejoindre d’autres qui me chagrinent tout autant. Il semble que perdre la trace des sources – et leurs eaux douces ne sont-elles pas toutes bienfaisantes ? – soit de mauvaise augure pour la recherche de sens. On s’étonnera que l’humain erre, perdu dans sa vie, à la recherche de repères pour trouver son monde, où vivre ait un sens. Mais oublier les sources, les tarir dans le béton, les laisser se perdre, n’est-ce pas s’éloigner du souvenir même de la Source vitale hors de laquelle toute vie se délite ?
Marie-Christine Bernard
18 septembre 2009