Rage
A la radio, une femme qui crie plutôt qu’elle ne parle. Fuyant les combats de daech, elle a rejoint un camp de réfugié à la frontière de la Turquie où des milliers de Syriens s’entassent avec leurs angoisses et leurs paniques.
La femme crie qu’elle voyait d’où partaient les tirs de l’artillerie barbare. Sans jumelle, sans carte, sans matériel sophistiqué, de ses propres yeux, et pendant des jours, elle et ses compatriotes pouvaient suivre l’avancée conquérante.
Alors elle crie.
Elle crie la seule question qui vaille, celle qu’on se pose tous, celle que l’on oppose à tous les stratèges et chefs des armées supposés, LA question : pourquoi n’avoir pas bombardé cette ligne de front si bien armée, si opérationnelle, si visible, si prévisible ? Pourquoi ?
Mais cette femme n’est pas considérée comme une « experte » n’est-ce pas ?
Les subtilités diplomatico-économico-géo politiciennes des bavards et des cyniques sont pour elle terra incognita.
Elle a juste son intelligence, sa sensibilité, son expérience, ses tripes aussi.
C’est beaucoup.
Beaucoup plus semble-t-il que ce qui motive les décideurs et commentateurs professionnels.
Et nous, citoyens de base d’un pays soi-disant démocratique, nous qui nous sentons si proches de cette femme, nous ne pouvons pas nous défaire du sentiment pénible d’être relégués dans l’impuissance, la désinformation et la manipulation.
J’enrage.
Marie-Christine Bernard
Juin 2015