Rien a cirer ?

« De toute façon, j’y comprends rien » dit-il et jetant d’un geste dépité le numéro du magasine Le Pèlerin qui m’avait confié une chronique durant Carême. L’histoire m’a été rapportée par un couple de retraités qui s’étaient réjoui, en la lisant, d’un langage qui leur semblait « enfin » accessible à un plus grand nombre. Ces fidèles lecteurs du Pèlerin avaient donc glissé la revue dans les mains de cet homme, leur fils en l’occurrence. Il a la quarantaine, il est cadre dirigeant d’une grande boite, il ne fréquente plus l’église en dehors d’une messe de Pâques concédée certaines années fastes. Il n’a rien contre la foi, encore moins contre les chrétiens : il s’en fiche comme de sa première chemise. Tout indique que plus il avance dans sa vie, plus il s’éloigne de tout cet héritage issu, bon an mal an, de générations de chercheurs de sens, chercheurs de Dieu. Ce n’est même plus une question de langage ou de fossé culturel que l’on dit grand entre l’église et le monde. C’est que la question du sens, et donc de Dieu, semble ne trouver plus aucun point d’accroche dans son espace mental, tout occupé par les soucis du moment : boulot, enfants à élever, plus exactement, à positionner dans la vie sociale, pavillon à aménager, vacances à préparer. Il n’est ni meilleur ni pire que les autres. Il fait ce qu’il peut et doit se battre dans un monde qui ne fait pas de cadeaux. Il trouve déjà pas si mal de s’en sortir à peu près. Pour le reste… le sens et « Dieu dans tout ça ! » … un continent probablement inutile et trop vaste et complexe à explorer, si tant est qu’on en ait la moindre envie, qu’on y trouve un quelconque intérêt, ou qu’il reste un gramme d’énergie pour cela. Combien sont-ils autour de nous, dans cet état d’esprit ? Combien de chrétiens omettent qu’ils existent, nombreux ?

Marie-Christine Bernard
Mai 2011