Quand le voyage était possible

« Je parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître ». C’était le temps où partir avec son sac à dos et son envie d’espace était sans danger, moyennent quelques précautions d’usage. Une femme seule, jeune et sans défense, pouvait ainsi jeter ses pas par devant, sans trop de but précis sinon celui de se laisser toucher par les découvertes qu’elle aurait la chance de faire : des choses, des paysages, des gens, des évènements, que sais-je encore, et au bout du compte, la découverte d’elle-même, da sa consistance propre, quand plus rien d’autre ne l’attache au monde ordinaire dans lequel elle a grandi. Plus de lien avec le monde quitté, pas d’internet, pas de téléphonie mobile. Partir, c’était partir. C’était le temps où une personne occidentale n’était pas perçue sous l’angle de sa valeur d’otage en dollars bien comptés. Un temps où s’engager dans un service humanitaire de façon désintéressée n’était pas objet de suspicion a priori. Les moyens y étaient limités et si la tête tournait, c’était plus du palu que de la démesure d’un ego bien pensant. C’était le temps où le tourisme de masse n’avait pas posé sa patte gluante partout, salissant, piétinant, méprisant, arrogant, stupide. Mais cela s’annonçait déjà. Aujourd’hui nous y sommes. Tout n’était pas idyllique, certes, la question n’est pas là. Je constate seulement ceci : notre espace de liberté s’est considérablement réduit, c’est un fait. Est-ce parce que dans le même temps, partout, chez nous comme ailleurs, le respect de soi, des autres, de sa parole aussi, et de sa tenue, recule ?

Marie-Christine Bernard
1er septembre 2010