Urgence d’Eglise
Un prêtre heureux ? Sincèrement heureux ? Après plus de 10 ans de ministère ? Oui, on peut encore en rencontrer. Mais c’est rare. De plus en plus rare. Et s’il en existe encore, c’est la preuve que le miracle n’est pas un leurre.
En réalité, nos prêtres dans l’ensemble, vont mal. Ils sont mal formés, parfois déformés, dans des séminaires qui ne les préparent en rien à rencontrer les soifs spirituelles d’aujourd’hui, les leurs comme celles de leurs paroissiens.
Les prêtres n’ont pas appris à se connaître eux-mêmes, ni à aimer la vie, ni à mener une vie spirituelle sérieuse et libre, en leur nom propre. Même leur formation intellectuelle (cérébrale plutôt, hélas) est misérable, anachronique, indigente. Alors même qu’ils y passent un temps fou pendant leurs années de séminaire (après, de leurs propres aveux : zéro formation, zéro lecture).
En revanche, l’enseignement officiel est bien ancré dans les têtes : mis à part, appelés personnellement par Dieu, destinataires par le sacrement de l’Ordre d’une grâce spéciale propre à faire d’eux des personnages sacrés ( le mythe a la vie dure !) Il conviendra donc de rendre ce super statut clair et visible dans sa vêture et sa façon bien verticale d’exercer le pouvoir.
Le tout aura été lié avec soin par des appels récurrents à l’humilité et l’esprit de service.
Mais après l’euphorie de leur ordination, souvent vedettarisés à outrance, ils descendent de leur piédestal et se retrouvent dans des paroisses plus ou moins désertées par les « fidèles » ( !) et gangrénées par les querelles (voir mon coup de blues de ce mois !) qui indiffèrent complètement le reste du monde, celui-là même qui viendra leur demander, voire exiger d’eux, des services sur mesure (baptême des enfants, mariage, bénédiction, etc).
Pour rythmer leur semaine, ils présideront des obsèques à tour de bras.
Ils apprendront à leurs dépens que l’institution catholique est peuplée d’hypocrites, de carriéristes, de mondains, de médiocres, de pervers aussi, comme dans le reste de la société, oui, mais le reste de la société ne prétend pas donner des leçons de morale.
Ils devront obéir à des évêques souvent déboussolés, dépassés par leur fonction, tout aussi mal formés mais convaincus de leur supériorité (toujours humblement).
Enfin, ils devront aimer en général, mais personne en particulier. Dans le meilleur des cas, ils pourront compter sur une famille compatissante (jusqu’à ce que la vie des uns et des autres les rende moins disponibles, moins attentifs), ou sur quelques bons copains (mais souvent tout aussi démunis qu’eux). Leur vie affective et sexuelle ? Un non-sujet…
Alors oui, vient le moment insidieux ou plus brutal, où ça dérape : dans l’activisme, l’alcoolisme, la double-vie, la boulimie, la dépression, le suicide.
C’est pourquoi je plaide – depuis des années – pour une fermeture des séminaires, un moratoire sur toutes les ordinations, et un accompagnement sérieux, à la fois fraternel et professionnel, des prêtres en exercice. A défaut, il y a non-assistance à personnes en danger.
A partir de là, il convient de toute urgence, de décider d’organiser l’institution autrement : démystifier le statut sacerdotal ; évangéliser le dogme ( !) et diffracter les ministères dans les mains de personnes de foi (hommes ou femmes, en couple ou célibataires, homo ou hétéro, consacrés ou non) compétentes et dans des modalités qui restent à définir.
A bon entendeur…
Marie-Christine Bernard – été 2022